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Vacances parlementaires : Quand la peur du manque d’argent éloigne les Députés de leurs électeurs

Les vacances parlementaires, censées être un moment de recevabilité et de proximité entre les élus et leurs bases, tournent de plus en plus à la période des grandes disparitions. Beaucoup de députés préfèrent garder leurs distances. La raison n’est pas intimement liée au respect du code de la route mais à une peur bien concrète : celle de ne pas pouvoir satisfaire la pression sociale et financière d’une population en détresse. Une situation que le politologue Professeur SYLVAIN KANTOLOMBA  qualifie de « dérive de notre démocratie représentative ».

Entre obligation légale et réalité sociale

Selon le règlement intérieur, chaque député a l’obligation de séjourner au moins trente jours consécutifs dans sa circonscription pendant les vacances parlementaires. Cette période de trois mois, calquée sur la durée d’une session, doit permettre aux élus de tâter la température sociale et de recueillir les doléances de leurs électeurs.

Le Professeur Sylvain KANTOLOMBA , analyste politique et enseignant, rappelle que cette exigence vise à garantir la redevabilité du député envers sa base :

« Un député est un représentant du peuple. Il a l’obligation de rendre compte à ses électeurs. La loi lui impose de passer un mois ininterrompu dans sa circonscription, afin de comprendre le vécu quotidien de sa population. »

À la fin de cette période, un rapport de vacances parlementaires doit être soumis à l’Assemblée. Ce document, précise le professeur, « reprend les aspects politiques, sociaux, économiques et administratifs de la circonscription », et devrait permettre d’évaluer la réalité du terrain.

Des élus transformés en agents sociaux

Sur le papier, tout est clair. Mais sur le terrain, la théorie se heurte à une dure réalité. Beaucoup de députés évitent leur base, incapables de répondre à la longue liste des demandes financières. La population, confrontée à la précarité, voit dans le député un bienfaiteur plutôt qu’un législateur.

« Aujourd’hui, le député n’est plus seulement un représentant du peuple, mais un agent social. La population l’interpelle pour des problèmes de loyer, de scolarité ou même familiaux. Le député doit avoir une poche bien garnie pour ne pas être rejeté », ironise le Professeur KANTOLOMBA .

Ce glissement de rôle, poursuit-il, vient de promesses électorales aussi irréalistes que généreuses :

« Pendant la campagne, beaucoup promettent de transformer la vie sociale, alors qu’ils n’ont aucun budget pour cela. Les moyens appartiennent à l’exécutif, pas au législatif. »

Certains élus ne mettent plus les pieds dans leurs fiefs, de peur d’être pris pour des guichetiers de la République. Car le citoyen congolais, lui, ne fait pas de différence entre un député et un distributeur automatique.Vacances parlementaires ! Mais à ce stade, c’est plutôt une retraite spirituelle. Loin du peuple, loin des problèmes, près du confort.

Une rupture inquiétante entre élus et électeurs

Certains élus ne mettent plus les pieds dans leurs fiefs, de peur d’être pris pour des guichetiers de la République. Car le citoyen congolais, lui, ne fait pas de différence entre un député et un distributeur automatique.Vacances parlementaires ! Mais à ce stade, c’est plutôt une retraite spirituelle. Loin du peuple, loin des problèmes, près du confort.

« Une fois élus, les députés disparaissent. On observe une rupture totale entre eux et leurs bases. Notre démocratie est devenue un échange de services : le vote contre l’argent ou les dons », déplore le politologue.

Ce système, poursuit-il, affaiblit le contrôle parlementaire :

« Le député, censé contrôler le gouvernement, devient son applaudisseur. Et la population, frustrée, se venge en le rançonnant à la moindre rencontre. »

Repenser la culture politique

Pour le Professeur Sylvain KANTOLOMBA , la solution passe par une double éducation : celle du peuple et celle des élus.

« Il faut que la population comprenne que le député n’est pas un distributeur d’argent, mais un contrôleur de l’action gouvernementale. Et il faut aussi que les députés réapprennent leur rôle, celui de défendre les intérêts du peuple par le travail législatif et le contrôle. »

Le politologue plaide pour un rééquilibrage du système représentatif, afin que les vacances parlementaires retrouvent leur véritable sens : un moment d’écoute, de proximité et de redevabilité, pas une saison de fuite organisée.

Par Olivier KAYUMBA

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